Que savons-nous sur sainte Geneviève ?
Pratiquement rien, car il n’existe que très peu de documents écrits, les « sources » de l’histoire, qui nous soient parvenus.
Pourquoi ?
L’histoire commence avec l’écriture au milieu du IVe millénaire avant Jésus-Christ. Les Égyptiens utilisaient comme support des feuilles de roseau, le papyrus, qui a l’inconvénient de se détériorer rapidement avec l’humidité (ce qui pourrait expliquer la « disparition » des rouleaux de papyrus d’une des plus importantes bibliothèques de l’Antiquité située à Alexandrie).
A l’époque de sainte Geneviève, les lettres sont encore écrites sur du papyrus et elles ont pratiquement toutes disparu. Au Moyen Âge, on va donc les copier autant de fois que nécessaire, mais souvent avec des erreurs. Les textes recopiés sont ainsi rarement identiques à l’original. Enfin, toutes les lettres sont écrites en latin, ce qui pose souvent des difficultés d’interprétation. « Un homme de l’an 800, même cultivé, n’est plus capable de lire une lettre des années 500 » (B. Dumézil, historien de la fin de l'Antiquité et du début du Moyen Âge).
Une autre difficulté que connaissent bien les historiens est que les vies de ces personnages historiques sont souvent écrites plus d’un siècle après leur mort et que la mémoire orale a pu oublier ou transformer la réalité.
Malgré toutes ces incertitudes sur qui était vraiment sainte Geneviève, son souvenir ne s’est jamais perdu. Comme nous le verrons un peu plus loin, elle sera même vénérée tout au long des siècles.
En 2020, le 1.600e anniversaire de sa naissance a été célébré par l’Église catholique d’Île-de-France et par la Mairie de Paris.
L’Europe à l’époque de sainte Geneviève
Geneviève est née vers 420 à Nanterre près de Paris. A cette date, la France n’existe pas et Paris n’est pas encore une capitale.
Le territoire de notre pays, qui s’inscrit aujourd’hui dans un hexagone, était peuplé de tribus gauloises (dont les Parisii qui donneront leur nom à la Lutèce des Romains). Conquises par Jules César au milieu du Ier siècle avant Jésus-Christ, les Gaules deviennent des provinces de l’Empire romain. Soumis à la loi romaine, les Gaulois vont devenir des Gallo-Romains comme on peut le voir dans les aventures d’Astérix.
Le Ve siècle est à la charnière des deux premières périodes de l’histoire, l’Antiquité et le Moyen Âge. C’est un siècle de grands bouleversements dont le plus important est la fin de l’Empire romain d’Occident qui va laisser la place à des royaumes qui deviendront, au cours du temps, les États européens que nous connaissons aujourd’hui.
Ces bouleversements s’accompagnent de mouvements de population à travers le continent européen. Il ne faut donc pas s’étonner que les parents de Geneviève, qui vivent en Gaule, portent des noms romains tout en étant d’origine germanique. Ni qu’ils donnent à leur fille un nom d’origine germanique, “Genovefa”, que nous traduisons par Geneviève.
De même, il n’y a rien de surprenant à ce que son père soit un officier dans les légions romaines, malgré ses origines « barbares », c’est-à-dire venant de l’extérieur de l’Empire romain. Au IVe et au Ve siècle, les principaux généraux de l’armée romaine et la plupart des légionnaires sont des barbares à qui les Romains confient la défense des frontières.
Comme la grande majorité des habitants de l’Empire romain, la famille de Geneviève est chrétienne. Très jeune, elle désire consacrer sa vie à Dieu et cette vocation va être encouragée par l’évêque saint Germain d’Auxerre.
La rencontre de sainte Geneviève et de saint Germain d'Auxerre.
Peinture du XIXe siècle de Puvis de Chavannes. Le Panthéon (Paris)
Sainte Geneviève dans l’histoire
Ces imprécisions font que la vie de Geneviève est surtout connue par des exploits légendaires. Le plus célèbre est son intervention lors de l’invasion des Gaules romaines en 451 par les Huns, peuples venant d’Asie centrale. Geneviève, avec l’aide des femmes, retient les Parisiens qui voulaient fuir et leur demande de prier. Le chef des Huns, Attila, se détourne de Paris pour attaquer Orléans.
Un autre épisode de la vie de sainte Geneviève a beaucoup contribué à sa notoriété. Lorsque les Francs, qui sont des barbares romanisés, encerclent Paris, elle fait le nécessaire pour envoyer plusieurs bateaux sur la Seine chercher du blé afin de nourrir les Parisiens affamés. L’expédition est une réussite : toutes les embarcations reviennent sans avoir coulé alors qu’elles étaient lourdement chargées. Ce serait l’origine et la signification du blason et de la devise de Paris en latin « Fluctuat nec mergitur » que l’on peut traduire en songeant à cette expédition périlleuse : la flotte (des bateaux) est secouée par les eaux, mais aucun ne coule.
La sainteté de Geneviève
Geneviève meurt au début du VIe siècle. Elle est enterrée près de la sépulture du roi des Francs Clovis et de son épouse la reine Clotilde, sur une colline située rive gauche de la Seine qui prit par la suite le nom de montagne Sainte-Geneviève.
Considérée comme une sainte dès le VIe siècle, y compris au Proche-Orient, elle est fêtée comme protectrice de Paris le 3 janvier.
Selon la tradition catholique, les reliques, c’est-à-dire ses ossements, sont déposées dans un cercueil de métaux précieux orné de pierreries que l’on appelle une châsse. Celle-ci est portée en procession pour invoquer l’aide de la sainte en particulier lors de catastrophes naturelles, d’invasions, de guerres civiles, de famines, d’épidémies.
Ces processions, souvent à l’initiative du roi, du parlement ou de la ville de Paris, sont très populaires. A partir du IXe siècle et jusqu’à la révolution de 1789, on recense une centaine de processions des reliques dans Paris.
La procession de la châsse de sainte Geneviève
sortant de l'abbaye Sainte-Geneviève de Paris
Église Saint-Étienne-du-Mont
Le 3 janvier 1793, alors que se déroule le procès de Louis XVI dans une France républicaine et déchristianisée, une foule de Parisiens célèbre la sainte protectrice de Paris.
Au XXe siècle, sainte Geneviève est de nouveau invoquée lorsque Paris est menacé par les armées allemandes en 1914 et en 1940.
De la basilique Sainte-Geneviève au Panthéon
Dès le VIe siècle, la réputation de Geneviève amène à construire une église-basilique où s’installe une communauté de religieux : l’abbaye Sainte-Geneviève (à l’emplacement actuel de la rue Clovis et du lycée Henri IV).
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le roi Louis XV décida la construction d’une nouvelle église, plus vaste, pour y accueillir les pèlerins et les processions. Construite selon les plans de l’architecte Soufflot, le roi pose la première pierre en 1764 et l’édifice sera achevé à la veille de la révolution de 1789.
Le 4 avril 1791, la basilique Sainte-Geneviève devient une nécropole dédiée aux « Grands Hommes » et prend le nom de Panthéon.
En 1793, les reliques de la sainte patronne de Paris sont brûlées et jetées dans la Seine par les révolutionnaires.
Lors de la démolition de l’église pour percer la rue Clovis au début du XIXe siècle, on retrouva des sarcophages, dont celui de Sainte-Geneviève. On réunit quelques reliques de la sainte qui avaient été offertes au cours des siècles et que l’on place dans une nouvelle châsse, la précédente ayant été détruite pendant la Révolution. Le sarcophage et les reliques se trouvent actuellement dans l’église Saint-Étienne-du-Mont.
Sainte Geneviève dans les arts
La France implore la protection de sainte Geneviève
Jean-François de Troy (1726), église Saint-Étienne-du-Mont (Paris)
On trouve des représentations de Sainte Geneviève (tableaux, vitraux, sculptures) dans pas moins de 70 églises situées dans la presque totalité des arrondissements de Paris.
Dans le jardin du Luxembourg (Sénat), sa statue se trouve parmi les « reines de France et femmes illustres ».
Lors de la reconstruction du pont de la Tournelle en 1928, la ville de Paris commande à Paul Landowski une statue de sainte Geneviève regardant vers l’est, direction des invasions depuis les origines de la France. Elle mesure 5,40 mètres de haut et se trouve sur une superstructure de 14 mètres. La sainte protectrice de Paris a devant elle un enfant qui tient dans ses mains une nef, symbole de la ville.
Statue de sainte Geneviève par Landowski. Pont de la Tournelle
La montagne Sainte-Geneviève
Le Panthéon, construit comme église Sainte-Geneviève à la fin de l’Ancien Régime, est
depuis la Révolution française une nécropole laïque de la République.
La montagne Saint-Geneviève désigne un des plus anciens quartiers de Paris situé dans le Ve arrondissement.
C’est sur cette colline qui surplombe de 33 m la rive gauche de la Seine que les Romains construisirent des monuments encore visible comme les thermes de Cluny et les arènes de Lutèce.
Son nom vient de l’abbaye édifiée au début du VIe siècle par Clovis pour y être enterrée avec son épouse Clotilde auprès de sainte Geneviève, la protectrice de Paris. L’église a été détruite pour être remplacée au XVIIIe siècle par ce qui est aujourd’hui le Panthéon.
C’est aussi le quartier où se trouvent plusieurs établissements scolaires et universitaires prestigieux comme les lycées Louis-le-Grand et Henri IV, la Sorbonne et le Collège de France, d’où le surnom de Quartier latin, l’enseignement se faisant en latin au Moyen Âge et à l’Époque moderne.
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